Il est urgent que le secteur financier prenne la mesure de cette réalité et adapte ses stratégies d’investissement concernant la biodiversité.

D’après l’Office français de la biodiversité, celle-ci «désigne l’ensemble des êtres vivants ainsi que les écosystèmes dans lesquels ils vivent. Ce terme comprend également les interactions des espèces entre elles et avec leurs milieux». La biodiversité est à l’origine de toutes les ressources que nous utilisons pour vivre : l’oxygène, l’eau potable, la nourriture, mais aussi les matières premières. Avec 55% du PIB mondial qui dépend des services rendus par la biodiversité (source Swiss Re, 2020).

Or, aujourd’hui, le constat scientifique est sans appel : la biodiversité est en grand danger. D’après le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), nous vivons actuellement la sixième «extinction de masse des espèces» (la cinquième, qui eut lieu il y a 66 millions d’années, fut celle qui vit disparaître les dinosaures…). Des neuf limites planétaires reconnues, la biodiversité est par ailleurs celle qui est la plus dépassée.

Climat et biodiversité sont interconnectés

Concentré sur la question climatique, le secteur financier n’a pas pris la mesure de ce défi environnemental. Climat et biodiversité sont pourtant interconnectés, le dérèglement climatique étant identifié par les scientifiques de l’IPBES comme l’une des causes majeures de perte de biodiversité. Dans l’ensemble, ce qui est bénéfique pour la biodiversité l’est pour le climat, mais l’inverse est parfois faux. Prenons l’exemple des énergies renouvelables dans le secteur de l’énergie et du transport (éolien, centrales solaires, hydroélectricité, batteries électriques…). Considérées sous un angle «climat», elles constituent une alternative bénéfique, moins émissive en gaz à effet de serre. Leurs impacts sur la biodiversité, en revanche, sont à ne pas négliger : dépendance à l’extraction de minéraux sur terre et dans les océans, pas de solutions de fin de vie ou de réutilisation, perturbation d’habitats naturels ou perturbations migratrices de certaines espèces… En résumé : ignorer les impacts sur la biodiversité est une erreur.

L’industrie financière doit (ré)agir urgemment

La COP15 biodiversité a permis de faire un grand pas en avant en créant un cadre commun pour la préservation de la biodiversité, qui comporte 23 objectifs. Par exemple, l’un des objectifs phares à atteindre d’ici à 2030 : conserver et gérer au moins 30% des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières. Certes, cet engagement n’est pas assorti de contraintes, mais il représente une avancée majeure à l’échelle internationale.

Mais, aujourd’hui, la biodiversité n’est pas suffisamment prise en compte par les acteurs financiers dans leurs démarches d’investissement. Selon la campagne annuelle de collecte ESG (environnement, social, gouvernance) de Swen Capital Partners auprès du secteur du private equity et de l’infrastructure, seules 16% des sociétés de gestion interrogées déclarent avoir une stratégie biodiversité, contre 64% pour une stratégie climat.

Parce que les investisseurs sont en première ligne du financement de l’économie, il est primordial qu’ils prennent la mesure de leurs responsabilités face au défi environnemental dans son ensemble, en adoptant une approche davantage holistique : biodiversité et climat. Des outils scientifiques, robustes et transparents, existent pour les y aider. Le défi environnemental nous oblige : l’attentisme n’est plus une option.

Écrit par Isabelle Combarel, directrice générale adjointe de Swen Capital Partners, et Clément Bladier, président de la NEC Initiative