La synthèse du sixième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du Climat (GIEC) a été publiée lundi 20 mars. Adoptée par les représentants de ses 195 pays membres, ses conclusions sont sans appel. On peut en retenir cinq chiffres-clés. +1.1°C : le niveau de réchauffement climatique observé à l’échelle internationale par rapport à la période préindustrielle (1850-1900). 97% : la part de ce réchauffement attribuable aux êtres humains. +1,5°C : l’objectif-cible de réchauffement maximal pour 2100 défini lors de la Cop21 (Paris, en 2015). Ce niveau d’augmentation de la température moyenne sur Terre sera atteint dès 2030-2035. Ce qui fait dire au GIEC que « le rythme et l’ampleur des mesures prises jusqu’à présent sont insuffisants ». C’est un euphémisme. +3,2°C : ce sera le niveau de réchauffement atteint en 2100 si nous laissons persister l’écart actuel entre les engagements de réduction de CO2 et leur réalisation effective. 3,4 milliards de personnes sont déjà touchées par le réchauffement climatique. Qui sont-elles ? « De manière disproportionnée, celles qui ont historiquement le moins contribué au réchauffement actuel. » Autrement dit, il n’y a pas de justice climatique.

Les investisseurs ont un rôle crucial à jouer pour relever le défi environnemental

Il est urgent d’accélérer drastiquement l’évolution de nos économies vers plus de sobriété, plus d’efficacité énergétique et moins d’impacts. A ce titre, parce qu’ils financent, donc parce qu’ils alimentent et soutiennent les entreprises, les investisseurs sont en première ligne pour accélérer la transition écologique. Dans leur capacité d’identifier les bonnes pratiques, de soutenir les modèles économiques durables et responsables : en un mot de flécher leurs investissements vers les entreprises les plus contributrices à la transition.

Alors que le dérèglement climatique s’emballe et que l’on assiste à la sixième extinction de masse des espèces (la cinquième remonte à 65 millions d’années et avait vu disparaître les dinosaures), le GIEC nous rappelle que « les niveaux actuels des ressources financières dédiées au climat sont très insuffisants et sont encore largement dépassés par les flux de financement des énergies fossiles ». Force est de constater que le secteur financier n’a pas encore pris la mesure de sa responsabilité.

Des solutions d’évaluation environnementale fiables existent

Parmi toutes sortes de prétextes pour justifier une forme de statu quo, un trop grand nombre d’investisseurs brandissent l’absence de données environnementales fiables utilisables au service de stratégies d’investissement durable. S’il est vrai qu’il n’existe aucune méthodologie d’évaluation environnementale parfaite, des outils solides existent, pour autant qu’ils remplissent un certain nombre de conditions. En premier lieu, la rigueur scientifique. L’évaluation des impacts environnementaux est affaire de rigueur et d’impartialité, la science doit toujours y avoir le dernier mot, devant toute considération politique ou comptable.

Ensuite, une approche holistique des enjeux environnementaux. C’est une réalité physique : climat et biodiversité sont interconnectés, ce qui pousse l’IPBES (Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques) à considérer le changement climatique comme l’un des cinq facteurs de perte de biodiversité.

Enfin, la transparence, comme gage absolu de crédibilité. A l’heure de la défiance générée par les tentatives d’écoblanchiment d’entreprises plus soucieuses de maintenir leur modèle économique d’une croissance infinie dans un monde aux ressources limitées que de développer des modèles économiques sobres et résilients, la transparence des indicateurs ne doit plus être considérée comme une option : elle doit s’imposer à tous, comme une condition nécessaire de confiance et d’opposabilité. Certains fournisseurs de données et de méthodologies l’ont bien compris et lèvent le voile en toute sincérité sur leurs méthodes. Ce que ne font pas, entre autres, les grands acteurs nord-américains leaders du marché de la donnée ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Les investisseurs sont libres d’y trier le bon grain de l’ivraie, et de choisir leurs fournisseurs.

Ce qui n’est pas (correctement) mesuré n’est pas (correctement) géré. Des solutions de mesure basées sur la science, considérant les enjeux environnementaux dans leur globalité, rigoureuses et transparentes existent. Mesdames et Messieurs les investisseurs : à vous de vous en emparer, le temps nous est compté.

Clément Bladier est Directeur Général de la NEC, un outil qui mesure le degré d’alignement à la transition verte.

Écrit par Clément Bladier